Université participative de Sigean - Compte-rendu

UPP à SIGEAN le 9 mai 2010

SOUVERAINETE ALIMENTAIRE, DU MONDIAL AU LOCAL

DA Aude nous accueille dans une grande salle très lumineuse.

Des producteurs locaux ont fait le déplacement et nous proposent canardises, fromage, vin, glaces fermières, miel …

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Les « experts » qui sont intervenus :

Pascal PAVIE, viticulteur de l’Aude, membre de la Confédération Paysanne et référent audois de Nature et Progrès,

Stéphane LINOU, agent de développement local, « locavore »

Jean-Jacques MATHIEU, producteur et transformateur de blé biologique,

Christian RIEUSSEC, président de l’AMAP ( ) de Narbonne.


1° intervenant : Pascal PAVIE

SOUVERAINETE ALIMENTAIRE : on pourrait la définir comme le DROIT DES PEUPLES A CHOISIR LEUR ALIMENTATION

Le désordre alimentaire a des conséquences économiques, sociales, écologiques. Le « marché alimentaire » ne résout pas ces problèmes.
Pascal PAVIE donne des chiffres sur l’évolution de l’agriculture depuis 50 ans, et depuis 10 ans, soulignant qu’un agriculteur qui part de sa ferme, c’est un chômeur de plus.

Languedoc-Roussillon

- a perdu 20 000 ha de terres agricoles, qui sont devenus des lotissements et des routes ; ainsi que 40% de sa terre labourable, qui a été abandonnée car les machines agricoles n’y passent pas ;
- est dépendante des autres régions ou d’autres pays pour son alimentation dans les domaines des oléagineux (tournesol, colza), des protéagineux (soja pour l’alimentation animale), du lait, des porcs, ainsi que pour les « intrants » (par exemple, l’engrais bio vient du Chili) ;
- exporte (vers d’autres régions) une très grosse partie de sa production fruitière et maraîchère.

La région est donc devenue fragile dans le domaine de l’alimentation, on a oublié la fonction alimentaire de l’agriculture.


2° intervenant : Stéphane LINOU

Son métier l’a amené à se poser des questions sur l’origine de la nourriture consommée dans le territoire où il exerce sa profession.

Il a alors tenté entre septembre 2008 et septembre 2009 de vivre en se nourrissant uniquement de produits provenant d’une distance maximale de 150 km de chez lui.

Les a priori auxquels il a été confronté :

- tu vas te déminéraliser,
- faut avoir une sacrée paie,
- tu vas perdre tes amis en les obligeant à manger des menus auxquels ils ne sont pas habitués

Ces a priori l’ont amené à faire une série de tests :

- santé (chek-up début, en cours et fin d’expérience) : sa santé est meilleure (cholestérol et fonctionnement du rein) ;
- prix (comparaison des prix de ce qu’il a acheté et des valeurs en supermarché) : les prix des GMS étaient entre 5% moins chers et 50% plus chers que ceux des produits locaux ;
- il a aussi constaté que ses amis ne l’ont pas quitté !

L’analyse qu’il fait de son expérience l’amène à constater que :

- sur le plan écologique, consommer local économise l’énergie : les produits ne traversent plus les pays, la planète ;
- sur le plan économique : on fixe l’argent localement, la valeur ajoutée du produit ne va pas dans les poches des GMS mais dans celles du producteur,
- sur le plan social : création de lien (AMAP).

Mais il va plus loin. Prenant l’exemple des cantines scolaires, il fait une « cartographie » de leurs repas. Il a fait une étude comparant trois types de cantine : une cantine avec Sodhexo comme fournisseur des repas, une avec « La Fourchette Cathare » ; et la cantine de Caux et Sauzens où une démarche originale de « mieux manger » a été initiée ( ).

Le résultat :

Les deux premiers fournisseurs (donc y compris la Fourchette Cathare avec son nom bien local) remplissent le planisphère : leurs fournitures viennent du monde entier ; pour l’école de Caux et Sauzens, 80% de la nourriture consommée est locale.
Quelles conclusions en tire-t’il sur le plan politique ?

- si les conseils généraux et régionaux ne pèsent pas sur les gestionnaires des cantines scolaires pour orienter le cahier des charges dans un sens de plus grande proximité de l’origine de la nourriture, la richesse part du département ou de la région !
- historiquement, le pouvoir politique était donné à celui qui avait le pouvoir d’assurer la « police » dans les domaines de la sécurité des personnes et de l’approvisionnement en « grains » et en « viande » ; avec le temps, cette question est sortie du « champ » de la politique pour passer dans le « champ » des GMS ;
- aujourd’hui, les GMS n’ont que 4 jours de stocks, dans l’hypothèse où les transports interrégionaux, internationaux, planétaires, ne seraient plus possibles, la population ne pourrait plus être approvisionnée.

Le politique abandonne l’approvisionnement de sa population, c’est-à-dire la vie de sa population, au marché.

Stéphane Linou pense qu’il faudrait une loi identique à celle des logements sociaux, loi qui obligerait les SCOT à prévoir des surfaces réservées à la production d’alimentation pour les populations de leur territoire.

3° intervenant : Jean-Jacques MATHIEU

Agriculteur installé, après la faillite de son père, sur une nouvelle exploitation et avec de nouvelles formes de production.

Il constate que 80% de la distribution des fruits et légumes sont aux mains de 5 GMS.
Il constate par ailleurs qu’il n’y a plus de moulins dans le Lauragais, tous ont été rachetés par des minotiers du Centre qui ont racheté les quotas et ont fermé les moulins.
Il s’installe en production céréalière, dans une démarche d’autonomie maximum.

Problème des semences : les semences du commerce sont non reproductibles.
Il se tourne alors vers les variétés anciennes.
Il découvre :

- qu’elles sont plus hautes, donc font plus de paille ;
- qu’elles ont des racines beaucoup plus profondes et donc s’approvisionnent mieux dans le sol ;
- qu’elles font un blé qui donne une farine de meilleur goût, et de meilleure qualité panifiable.

Par ailleurs, n’ayant plus de moulin disponible pour faire moudre son grain, il se tourne vers les meules de pierre à l’ancienne, et découvre que le grain ne chauffe pas lors de la mouture, contrairement au moulin industriel, et que ceci ajouté au fait qu’il ne dégerme pas son blé lui donne une farine ayant plus de qualités nutritives (notamment par rapport à la lysine et aux phyto-oestrogènes => recherches faites en partenariat avec des chercheurs du CNRS).
Il fait ensuite une recherche sur les pâtes à partir de blé dur, et sur la possibilité de les fabriquer lui-même et de les vendre. Il fait aussi une recherche pour l’énergie nécessaire au séchage des pâtes : paille et bois des environs.

4° intervenant : Christian RIEUSSEC

Bioréseau de Narbonne : 60 familles pour deux jeunes maraîchers installés.

Il considère que le préfinancement qui est à la base du fonctionnement d’une AMAP est du même ordre qu’un abonnement (à un journal, à un mode de transport ou à une activité culturelle) qu’on paie en début d’année.

L’AMAP crée du lien social : chacune des familles vient à son tour aider l’agriculteur à préparer les paniers ; lien avec le maraîcher dont on peut visiter les installations.

L’AMAP amène à retrouver des gestes ancestraux : les paniers d’été sont toujours très pleins, ceux d’hiver un peu moins, on réapprend l’été à faire les conserves qu’on utilisera l’hiver, comme faisaient nos grands-parents !
Pour lui, être à une AMAP signifie qu’on prend conscience de la dignité de l’agriculteur.

Questions du public :

Outre les questions sur les aspects techniques des AMAP, de la démarche de « locavore », etc, beaucoup de personnes sont intervenues pour parler de l’action politique qu’on peut avoir dans la suite de cette UPP.

On a aussi parlé de l’aspect social de se nourrir localement ; en effet, pourquoi privilégier des productions qui viennent de loin, et pour lesquelles on n’a pas les garanties sociales : salariés mal payés, « prisonniers » de leur employeur qui leur prend les papiers au début de saison et les rend en fin de saison, conditions de santé (travail dans des serres, chaleur, produits phytosanitaires) de ces travailleurs ; ou bien dans d’autres endroits, spoliation des terres par des grandes multinationales pour produire pour l’export tout ce qu’on veut : des roses, des haricots verts, des fraises, du « bio » ( !!!) au détriment des cultures vivrières.

On a aussi beaucoup parlé de l’accès au foncier : difficultés pour les jeunes qui veulent s’installer en agriculture mais qui n’ont pas des parents agriculteurs dont ils peuvent reprendre les terres, problèmes de la SAFER qui n’œuvre pas vraiment dans ce sens, qui a plutôt tendance à confier des terres qui se libèrent à des agriculteurs déjà en place (simplicité des dossiers à monter, et facilité à rentrer les frais de dossier), problème du coût des terres lorsqu’elles sont près des villes (concurrence avec les terrains à bâtir).

On a parlé aussi d’une réforme agraire nécessaire (80% des aides de la PAC est donnée à 20% d’agriculteurs, qui ne sont pas vraiment sensibilisés à ces problèmes).

On a parlé aussi des listes d’attente pour des clients potentiels d’AMAP : et plaisanté sur le fait que « le marché est censé ajuster l’offre et la demande », et que là il n’ajuste rien !

Un des intervenants dit que depuis la mise en place d’AMAP dans les départements limitrophes de la Haute Garonne, beaucoup de producteurs gersois, tarnais, audois, se recentrent sur leur population locale et ne vont plus livrer à Toulouse : Toulouse devient une ville « sous perfusion » au niveau de l’approvisionnement en frais !

On a parlé aussi des formations inexistantes, notamment pour les jeunes qui veulent s’installer en maraîchage bio ; c’est le grand désert, c’est le système D, même le parcours du combattant, pour ceux qui veulent se lancer là-dedans.

Il a été question d’interventions qu’on peut faire auprès de nos responsables politiques élus sur :

- l’élaboration des cahiers des charges des cantines sont du ressort des collectivités territoriales : sensibilisons nos élus à ce problème : faire manger nos enfants de manière saine, et laissons les finances locales financer l’économie locale ;
- les places dévolues de droit aux collectivités territoriales dans les commissions foncières de la SAFER ne sont la plupart du temps pas utilisées : pourquoi ?
- sensibiliser les élus locaux (maires, responsables de SCOT) sur l’importance de réserver du foncier à la production agricole locale (maraîchage, …) ;
- sensibiliser les collectivités territoriales qui financent les formations à la mise en place de formations en adéquation avec la demande.

Bref, écrivons à nos élus ! pour leur faire part de ce dont nous avons pris conscience après cette journée !
MARIE-CHRISTINE POUCHET,

DESIRS D’AVENIR TARN,

PARTICIPANTE A L’UPP DE SIGEAN.


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Signification des abréviations :

AMAP : association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Contrat entre des consommateurs et un producteur; le producteur s’engage à fournir au consommateur chaque semaine un panier d’une valeur de 10 à 15 € en général, et le consommateur s’engage à acheter pour une période déterminée (dépend des AMAP : en général 6 mois, parfois 1 an) un panier de 10 ou 15€ par semaine.
GMS : terme générique pour désigner la grande distribution.
SCOT : En France le schéma de cohérence territoriale ou SCOT est un document d'urbanisme qui fixe, à l’échelle de plusieurs communes ou groupements de communes, les orientations fondamentales de l’organisation du territoire et de l’évolution des zones urbaines, afin de préserver un équilibre entre zones urbaines, industrielles, touristiques, agricoles et naturelles. Instauré par la loi SRU du 13 décembre 2000http://fr.wikipedia.org/wiki/Sch%C3%A9ma_de_coh%C3%A9rence_territoriale - cite_note-0, il fixe les objectifs des diverses politiques publiques en matière d’habitat, de développement économique, de déplacements. Le code de l'urbanisme fixe le régime des SCOT aux articles L.122-1 et suivants. (Wikipédia)
SAFER : organismes parapublics mis en place dans chaque département, chargés d’attribuer des terres agricoles libérées par leur exploitant, et chargées de veiller à ce que cette attribution respecte un certain nombre de règles législatives.

1 commentaire:

  1. Martine R15/5/10 08:53

    Ce compte rendu est vraiment bien fait et fidèle. Je peux en juger car...j'y étais!

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Commentaires